Clara Abi Nader's profile

Civediamo e Arrivederci

Napoli – 19 Mars 2015
Direction Orly, 4h du matin. Un taxi spatial rien que pour deux filles, une petite valise et un sac à dos. A 4h30 on arrive à Orly Sud, des voyageurs dormaient, d’autres somnolaient. Une nouvelle aventure avec Transavia nous attendait.
Pour grimper dans l’oiseau il a fallu attendre en trois phases comme un troupeau de mouton, l’une dans le petit tunnel, l’autre à la sortie du tunnel debout dehors, et la dernière sur les escaliers, dans le froid du matin. Et comme toujours les gens se bousculent même si on leur dit d’attendre, je me demande ce qui se passe dans leur tête qui les oblige à se coller à nous à chaque millimètre que l’on fait.
Dans l’oiseau, notre capitaine nous souhaite la bienvenue et s’excuse de ce petit problème technique qui a perturbé la conscience des voyageurs.
Voyager en low cost nous permet de prendre rien qu’une valise avec nous, même pas un sac à main en plus, même si ce sac ne contient absolument rien. Résultat, j’ai finis par porter au moins cinq T-shirt sous mon pull, rien que pour faire un peu d’espace pour mes appareils et mes pellicules.
Durant deux heures de vol, j’ai rêvé la bouche ouverte et le cou tordu, d’un décollage, d’un atterrissage et d’avoir touché les nuages. En moins d’une minute on a survolé Paris et sa croûte blanche. Tout là-haut le soleil se levait et venait caresser notre visage endormi.
Lors de la descente, je vis la neige et les collines douces. On aurait dit des parts de gâteaux au chocolat, saupoudrées de sucre. Après la neige il y a eu les collines à la mousse verte sur lesquelles on a envie de rouler dessus encore et encore. Petit à petit des sentiers apparaissaient, ce qui me faisait penser à d’énormes enroulés de spaghetti. Et puis le commencement de la ville : vue de haut ca ressemblait à des légos méticuleusement construits.
A une minute près, il vint relever son siège et il fit le tour de tous les passagers.
Et on atterri.
A l’aéroport on a acheté notre premier paquet de tabacchi puis on a attendu le bus, j’en ai profité pour dégager tous mes T-shirt et j’ai dévoilé mes bras. J’étais contente de sentir l’air frais sur ma peau mais cela n’a pas duré, le soleil n’arrivait plus à me réchauffer.
On a pénétré dans la ville en bus, les bâtiments étaient vieux, les balcons étaient colorés, les rideaux me rappelaient ceux de mon enfance dans les rues de Beyrouth. Les quelques ponts, les scooters, les conducteurs, en bref, tout me rappelait de Beyrouth et rien que cela me faisait sourire. Mes bras et mains étaient figés, je pensais à sortir mon appareil mais mon cerveau n’arrivait pas à faire passer les ordres.
Le 1er stop était à la gare des treni. C’est là qu’on aurait du descendre mais on se sentait encore tout en compote et on est restées assises. Ayant quand même quelques doutes sur notre destination on demanda au conducteur s’il y avait un arrêt avant d’atteindre le porto et lui hocha de sa tête avec un grand sourire.
Sauf que finalement son terminus et son prochain arrêt était bien le port, il s’est senti tout fier de nous avoir déposées là où l’on voulait.
Craignant de se perdre avec nos bagages, un taximan nous a recueilli et arriva à nous choper 20 euros pour à peine 10 minutes de trajet.
C’est là qu’on a pu sentir battre la ville, son chaos, ses cris, ses klaxons, ainsi allait la vie à Naples. A via Duomo il a prit le sens inverse et interpela ses collègues de sa fenêtre, fit demi-tour en pleine rue, remonta la rue et nous laissa sortir de son auto.
Pour traverser la rue il fallait s’imposer à tout le monde, sinon personne ne nous remarquait. Les scooters étaient rois, c’étaient eux nos adversaires.
Le 29 Vicola dei Maiorani on ne le trouvait pas.
Une arnaque ?
On scrutait chaque porte mais en vain, on posa notre question à la vieille dame au chignon parfait. La vieille dame au chignon parfait on la voyait tous les jours et toutes les fois, elle discutait avec une autre femme, l’air sérieux avec des pensées qui tracassaient toute sa beauté.
Au final Palepoli était juste devant notre nez, la porte qu’on n’arrêtait pas de scruter depuis le début.
On a sonné, Fabrizzio a répondu, on a découvert ce qu’il y a derrière la porta rosso.
L’icône de la Sainte Vierge avec des fleurs en plastiques tissées de toiles d’araignées, des boîtes en carton, et de longs escaliers. Au premier étage se trouvait notre porte, notre hôte nous attendait. Il nous dirigea vers notre chambre et pendant cinq minutes j’essayais de comprendre où se trouvait cette chambre. Et en fait, c’était un studio dans un grand appart, une chambre avec une vraie mezzanine, une kitchenette, un balcon, des plantes, et la ruelle en dessous.
 
Vite vite, pas le temps de s’attarder ici, on a jeté nos affaires et couru vers le port, direction Capri. A Naples, les jeunes s’amusaient tout le temps, les filles se maquillaient, se lissaient leurs cheveux longs, les couples se tenaient par la main et s’embrassaient passionnément en pleine rue. A Naples aussi, de gros chiens et des petits se baladaient avec nous, à coté de nous. Comme s’ils avaient un trajet particulier à faire, l’air occupé mais désinvolte quand même.
Pour arriver au port, on a traversé une zone industrielle là où les bars et restos se font rares.
A bord du bateau on voulait se poser dehors mais c’était interdit. Une heure de trotte en mer, je crevais de faim, j’assouvissais mon creux avec des cacahuètes salées.
Et surtout, si vous demandez un café ne demandez pas un café lungo : vous aurez droit à une gorgée de café. Et lui il savait que l’on se gourait. Il a préparé son troll et c’est là qu’il nous dit tout sourire s’esclaffant même, « What you want is an americano, am-é-ri-ca-no » Bien bien, passe-le nous ton americano.
A Capri on posait l’ancre. Je n’en croyais pas mes yeux. La fraîcheur de l’air, le ciel, la mer, les collines. A peine posé les pieds à terre, que les italiens nous offraient déjà d’autres virées en mer vers une autre île.
On grimpait les collines et on découvrait la beauté de sa nature.  Dans les petites allées des escaliers se cachaient des chiens, ces chiens qui aboyaient à chacun de notre passage près de leur propriété.
Rien n’était comparable à ce moment. On était seules, debout dans ces allées où presque personne ne passait. Les jardins étaient fleuris, les citronniers, les orangers, les oliviers, et la mer à l’horizon. Je me demandais à quoi ressemblerait ma vie si j’habitais ici.
Arrivées enfin dans el Centro enfin, on a pu voir la baie de haut, on a pu prendre le soleil et encore dégusté le meilleur Caprese que j’ai jamais mangé. On a arpenté les petites ruelles, on est tombées sur la photo de Nicolas Cage et de Naomie Campbell qui ont visité un des restos là-bas, le soleil tombait et l’heure de rentrer se faisait proche.
En attendant notre bateau d’amarrer, une excursion de touristes affamée de selfies, s’est entassée autour de nous. A l’approche de notre locomotion, ils commencaient à se bousculer, à s’écraser les uns contre les autres et à marcher dans tous les sens. Les fourmis dans une fourmilière étaient bien plus organisées. Je criais, je voulais les tenir par les cheveux et leur crier dans les oreilles mais rien n’y faisait. L’important c’est d’avoir survécu et de ne pas avoir succombé à leur folie. On rentrait à pied, du port à Palepoli pour se reposer un peu.
Le soir on a rencontré des napolitains, on a gouté au cocktail de zuchini et concombres, de narancha et de la gingembre, tout frais, tout bons. On a appris quelques expressions italiennes et puis on a mangé notre première pizza. Pour les napolitains ce n’était pas bon, pour nous c’était exquis.
Vendredi on a visité le château qui surplombait la baie. On a pris le funiculaire et on a marché un peu. Pour y pénétrer il fallait prendre un ascenseur. Là-haut sur ses tours et ses allées, on a fait le tour et on admiré la beauté et la grandeur de la ville.
Il faisait beau, l’atmosphère était douce et silencieuse, on aurait pu passer la journée à se prélasser au soleil et à s’émerveiller sur la vue qu’avaient ses soldats dans le temps. A déjeuner on a cherché éperdument un resto où manger une frittata de fleur de zucchini mais ce n’était pas la saison. On a fini par s’empiffrer dans un des restaurants locaux, de plats tout aussi délicieux l’un que l’autre. Ce restaurant était tenu par un couple soixantenaire je crois, où l’épouse s’occupait de la caisse et l’époux servait ses clients. Si jamais elle sortait fumer une cigarette, son époux lui faisait la morale. Vu notre table bien remplie, à un moment un monsieur se permit de nous parler, en napolitain évidemment, tout ce qu’on a pu comprendre de sa gestuelle c’est qu’il disait « c’est bien de manger, mmm les frites …» Enfin sont arrivées ses trois boîtes de pizza et il est parti, canne à la main, pizzas dans l’autre.
Pour redescendre on a pris les escaliers des paysans. En fait c’est notre théorie. Cet escalier devait surement servir pour les paysans et les serviteurs du roi, de grosses pierres, de grandes calèches, au moins trente minutes à gravir si ce n’est pas une heure avec tout ce qu’ils devaient transporter.
Le bruit de la ville dans le fond se faisait de plus en plus fort, au bas des marches c’était une course de scooters, de voitures, d’enfants qui rentrent de l’école, ca bouillait de vie.
Notre colocataire nous avait prévenu qu’il fallait faire attention, car il n’y a pas longtemps une de ses amies s’est aventurée dans le quartier espagnole et a entendu des coups de feu. Pour nous, ces ruelles étaient encore plus belles que ce qu’on avait déjà vu. A notre passage on nous regardait mais une seconde après on nous avait déjà oublié. C’est que tout roule à une vitesse incomparable mais en même temps tout est lent, la vie est sereine et prend son temps.
A via Toledo tout a changé d’apparence. A présent c’est les magasins, le shopping et les cyclistes. On en a profité pour manger notre première glace, je vais éviter de vous dire combien c’était délicieux.
On a contourné encore d’autres rues et on a fini près de la côte dans une zone de piétons.
Des enfants jouaient, des ados se bécotaient, d’autres se prenaient en photo mais la photo ne leur plaisait pas et à notre vue ils nous ont arrêté pour nous demander cette faveur. Ah ces napolitains… toujours super bien coiffés, toujours super bien sapés, même un enfant de cinq ans à bicyclette avait un look de charmeur.
Ce soir-là on a voulu trouver via Giuseppe Paladino,  pour déguster le fameux ragout et écouter la musique chez Mickey et Mauro à Buco Pertuso. C’était musique live, avec un saxo, une guitarre et un slammeur italien qui faisait marrer tout le monde et nous-mêmes mais pour des raisons différentes.
A Palepoli on est rentrées, on a mis de la musique, on a dansé, chanté, et sautillé de joie. Le lit était douillé, dormir dedans était un plaisir et se lever le matin, descendre ouvrir les volets, saluer la vielle dame en face qui range son linge… Boire le jus d’orange frais, manger des délices napolitains, un café et allez hop, direction le port, prendre le bus ou le train pour aller à Pompéi. Nos informations étant moindres, on a dû marcher pendant 1h30 avant de finir par trouver la station de train qui nous emmèna vers la cité perdue. Et encore, ticket en main, rejoignant le quai, aucun passant ou voyageur ne savait nous dire si ce train partait vers Pompéi. Alors en attendant l’arrivée du train, on a regardé la télé italienne. Dans les lieux publics la télé italienne s’avère être très intéressante. Ils vous apprennent la cuisine, ils vous apprennent l’anglais et même l’italien dans le cas contraire : The Cat, El gato.
Dans les parages trainait aussi un vendeur de chaussette, savait-il qu’on ne voyageait qu’avec une paire de chaussette en plus ? «  No calzino, grazie »
Le train arrivé on demanda au macchinista si son train passait par Pompei. Alors une chose encore avec les napolitains. A chaque fois que l’on demandait une information, ils nous donnaient toujours plusieurs choix : vous voulez partir au centre de Pompei ou voir les ruines ? Vous voulez allez plus rapidement avec du trafic sur la route ou sur une route plus longue mais sans trafic ?
Alors notre conducteur qui s’appelle donc Rosario portait un costume et des bottes classes, il avait l’attitude du conducteur à ne pas venir faire chier durant son trajet mais en même temps avec une classe et une présence infaillible. Il nous dit de grimper et on a grimpé. Son collègue encore plus sérieux que lui nous rejoignit à la porte pour nous poser encore des questions. Le train a démarré et c’est là qu’il nous dit qu’il faut descendre au prochain arrêt et partir vers Sorrento. Mais finalement il revint vers nous et nous affirma que nous sommes sur le bon train sans nous dire où descendre. Pour éviter toute autre malchance, on s’assit près d’eux et fîmes le trajet ensemble.
Sur le train les voyageurs étaient endormis, les uns discutaient entre eux, d’autres se regardaient et me regardaient avec mes appareils. En face de moi lui s’était endormi. Sa cagoule chanel me fascinait. Et au moment où enfin je me décidais à le prendre en photo il se réveilla et me fixa de ses yeux curieux.
A Pompéi on est descendues, tout le monde a essayé de nous vendre quelque chose, des guides, des perles, des pierres du Vésuve, du Limoncello, On s’est fait prendre par ces audio guides à touristes qui cassent les oreilles et qui de toute façon allaient nous déconcentrer dans notre marche et dans notre admiration de cette ville désolée. Il n’y a pas de mots pour décrire la beauté et la plénitude que procurait cet endroit. Certains avertissements concernant les chiens errants, on n’en n’a pas vu beaucoup mais deux d’entres eux étaient étalés par terre, endormis ou malades, on n’en savait rien. On aurait dit qu’ils avaient subi une sorte de sacrilège, que Rascar Capac s’est enfui du Pérou jusqu’en Italie pour leur jeter un sort. Après 3h de marches, on est revenues sur nos pas, et là ils y étaient encore, même endroit, même pose, suppliant une caresse aux touristes.
La faim se faisait sentir, la fin de notre chasse au trésor aussi. On voyait de plus en plus de mondes, courir dans tous les sens, on s’est enfuies.
Sur le chemin du retour on remercie madame audio guide à qui on a félicité l’utilité de son produit. Vers la grande piazza on est tombées sur lui : Luigi, un homme de 80 ou 90 ans, se promenant avec sa petite fille peut-être qui absolument voulu nous parler à propos de Sofia Lauren et de nos lunettes de soleil. Il ne lâchait pas l’affaire même après lui avoir dit No Italiano. A ce moment-là il a essayé de nous apprendre une façon assez spéciale de serrer la main à une personne. Son accompagnatrice n’en pouvant plus lui disait « Andiamo Luigi, Andiamo… »
A la pizzeria du coin on était les seules à déjeuner à 16h. On a dévoré nos plats.
A Napoli c’était la fin de la visite du Pape François, les rues reprenaient vie. On est passées par notre petite supérette de tous les soirs, pris quelques biscuits, de la mozarella et du pain. Le vendeur nous a reconnu et nous a salué d’un grand sourire.
Plus tard on est parties à la recherche de Via Maffei qui comme à chaque fois on dépassait sans le remarquer. Pareil, chaque personne que l’on posait la question d’où se trouvait cette fichue rue, chacun nous indiquait un sens inverse. Revenus sur nos pas ayant presque laissé tomber, on l’a vue, cette Via Maffei. Je ne sais pas vraiment quel genre de musique on a écouté ce soir-là, c’était plutôt un mixe de sons et de bruits bizarres, sauf pour la batterie. A 1h du matin les rues autour étaient presque vides, et elle crevait de faim. Et le vendeur de paninis alors? qu’est-ce qu’on en fait ?  Un panini végétarien, avec un mélange de tomates, d’aubergines, de fromages et je ne sais plus quoi. Faut-il que je précise combien ce panini était bon ?
En rentrant, des ados étaient debout devant leur bar, à notre passage l’un d’eux à fait des pas de danses, d’une telle manière qu’il nous était impossible de ne pas en rire devant lui. A la fois adorable et ridicule, que faire dans ce cas-là ? Lui dire merci ?
Le lendemain était notre dernier jour.
Il a plu, pendant toute la journée. De grosses flaques d’eau, tout plein de parapluies colorés, les pieds mouillés, évidemment on avait le blues. On a visité l’Académie des Beaux-Arts ainsi que le Musée National de l’Archéologie. A déjeuner on dégusta notre premier verre de vino rosso. Il était temps de le faire. On est restées au moins deux heures de temps, essayant de digérer nos plats et notre départ. On a refait le tour des ruelles autour de nous puis on a fait une pause à Palepoli. Le temps de ressortir, dîner et prendre un dernier verre à Buco Pertuso.
Lundi 23 Mai on arrivait à peine à se lever. A 6h du matin nos alarmes ont sonné mais rien ne nous sortait du lit. 6h30 on se retournait encore sous la couette. 6h35, on grognait, on marmonnait des mots, du glabagla. 6h45, je me levais enfin et voilà. On a ouvert cette porte pour la dernière fois, il sortit de sa chambre, un bacio et un grande abbraccio, un arrivederci et c’est parti à la chasse au taxi. Un dernier tour en voiture dans les folles rues napolitaines. Un jour de départ ensoleillé.
Paris, deux heures plus tard, la ville nuageuse nous accueilli avec un soleil éclatant et des transports gratuits. Elle est pas belle la vie ?
Civediamo e Arrivederci
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Civediamo e Arrivederci

A short trip to Naples, Italy.

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