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meeting Erlik khan 2020

“Rencontre
avec
Erlik Han”
Saba Niknam 2020
www.fondationfernet-branca.org/artistes-chamanes-autour-dune-collection-de-lhimalaya/


Quand j’avais 22 ans, j’ai rencontré une chamane Turkmène à la frontière entre l’Iran et le Turk- ménistan nommé Ar-Nafas. Son pouvoir était celui d’invoquer la pluie, je lui ai demandé comment devenir un Porkhan (chaman en langue turkmène), elle m’a répondu qu’il fallait pour cela rencontrer la mort et mourir une fois.
C’était le moment où j’écrivais mon mémoire pour ma cinquième année en école d’art, mes recherches portant sur le lien entre le chamanisme et l’art.
J’ai toujours éprouvé une grande passion pour la magie et la mythologie, j’aime raconter des histoires et de fait, j’admire les conteurs ; je pense que les histoires ont la capacité à sauver les âmes humaines. Malheureusement, je ne suis pas douée pour l’écriture alors je crée des images et des objets pour partager mes histoires avec les autres. J’utilise toujours l’art comme matériau de guérison des âmes. “Montre tes blessures”, disait Joseph Beuys.
Je ne sais pas si je suis une chaman ou non, je laisse le public décider, mais je suis une conteuse à travers les images.
Dans ma nouvelle série de dessins, je présente Erlik Han (khan), le Dieu de sous la terre et de la mort dans les mythologies mongole et turque. Je présente donc la mort et raconte une histoire à propos de ma rencontre avec Erlik Han.
En voici les images :

“Masque (16 juin 2019)”
Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique, pigment naturel de lapis lazuli et feuille d’or sur papier
14 x 12 cm 2020
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(Esprit Inuit) ”16 juin 2019”
L’année dernière, j’ai attrapé un virus très aléatoire, dont le nom est la paralysie de Bell. Cela m’est arrivé subitement le 16 juin 2019. J’ai perdu le contrôle de la moitié de mon visage, comme s’il était à moitié mort. Mon médecin me disait que cela pourrait durer entre 2 semaines et des années et que le seul risque était de perdre un œil.
C’était une période très difficile, je voulais hiberner jusqu’à la fin de ce cauchemar.
J’ai eu la chance de ne vivre avec cette maladie que pendant 2 mois. Pendant ma convalescence, lorsque je me regardais dans le miroir, mon visage me rappelait ces masques
chamaniques inuits avec un sourire étrange. Après avoir effectué quelques recherches à ce
sujet, j’ai découvert que chez les Inuits, c’est un mal qui leur est connu. Ils croient que le malade a manqué d’être chassé de son propre corps par un esprit et qu’à la suite de ce phénomène, il est à moitié mort, ce qui lui permet de voyager entre le monde du visible et de l’invisible.
Ces croyances et histoires anciennes m’ont permis de surmonter plus poétiquement cette période difficile.
Tout ce que je pouvais faire était d’accepter mon visage, en « écrire » des histoires et rencontrer cet Erlik Khan de l’autre côté de la rivière (en Mongolie, quand vous êtes malade et au bord de la mort, ils croient que votre âme malade a vogué de l’autre côté de la rivière de la vie, chez Erlik Han et que le devoir du chaman est de parcourir cette rivière et de conclure un accord avec Erlik Han afin de récupérer votre âme malade.)
Ce que je fis : j’ai apporté la lumière du soleil à Erlik Han et lui ai repris mon âme malade
“L’autre côté de la rivière (Erlik Han)”
Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique, pigment naturel de lapis lazuli et feuille d’or sur papier
53,5 X 35 cm 2020
“Une goutte de soleil” Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique, et feuille d’or sur papier
57x30 cm 2019

“Ramener le koyash (soleil)”
Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique, pigment naturel de lapis lazuli et feuille d’or sur papier
35 X 29 cm 2020
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Après la maladie, la vie est devenue plus facile pour moi, c’était comme si je n’avais plus peur de la mort parce que je sentais comment cela pouvait être et à quel point elle était proche de nous, alors je l’ai acceptée.
Je crois que cela fait partie de nous et la maladie est le meilleur moyen d’apprécier la vie et de faire face à la mort.
“Réincarnation”
Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique, pigment naturel de lapis lazuli et feuille d’or sur papier
40 X 30 cm 2020

“Inhumation céleste”
Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique et feuille d’or sur papier
44X49 cm 2017

“Kapalikas (porteurs de crane)”
Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique, pigment naturel de lapis lazuli, cheveux et feuille d’or sur papier
30 X 30 cm 2020
“Le reflet de la pleine lune”
Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique, pigment naturel de lapis lazuli et feuille d’or sur papier
30 x 35 cm 2020
“Le coucher du soleil éternel”
Crayon, Rotring, encre de Chine, dents humaines, miroir, feuille d’or sur papier et tissu velours bleu.
27 x 25 cm 2020
“Le boulier d’Erlik Han”
Crayon, Rotring, encre de Chine, cheveux, cordes d’or, perles naturelles, perles de lapis lazuli, feuille d’or sur papier et tissu velours bleu
52 x 54 cm 2020
“Bokh / éclipse de quatre chevaux”
Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique, pigment naturel de lapis lazuli et feuille d’or sur papier
70 X 50 cm 2019
Éclipse de quatre chevaux”
Encre de Chine, cheveux et sel de la mer sur papier
28,5 x 28,5 cm 2015
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L’éclipse de 4 chevaux représente le mauvais présage et, pour le détruire, j’ai utilisé du sel et mes propres cheveux, et ai dessiné un lutteur traditionnel mongol qu’on appelle “Bokh”, pour faire appel à sa force colossale pour annuler l’éclipse.

“Livre objet (vision de Tarvaa)” 22 dessins
Crayon, Rotring, encre de Chine, cheveux, cordes d’or, feuille d’or sur papier et tissu velours bleu
52 x 54 cm 2015-2017
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Dans des temps anciens, l’art chamanique fut introduit en Mongolie. Il consiste à entrer en transe afin de se rendre dans des mondes invisibles pour résoudre les dilemmes de la vie.
On raconte que cet “art” aurait été introduit par un adolescent nommé Tarvaa. Voici son histoire : Tarvaa tomba un jour malade et perdit connaissance. Ses parents, convaincus de son décès, se hâtèrent de sortir son corps de la maison. En voyant cela, l’âme de Tarvaa s’envola vers le royaume des esprits où le juge des morts lui demanda pourquoi il était venu si rapidement. Trouvant le garçon très courageux il lui demanda quel cadeau il voulait remporter avec lui dans le royaume des vivants. Tarvaa ne voulait ni richesse, ni célébrité. Il voulait obtenir les connaissances de ce royaume des morts. Lorsque son âme rejoignit son corps, les corbeaux lui avaient déjà mangé les yeux. Mais même aveugle, Tarvaa pouvait voir l’avenir. Il eut une belle et longue vie, contant les récits de magie et de sagesse, rapportés des lointains rivages de l’au-delà.
J’appelle ce carnet de croquis « la vision de Tarvaa ». Pour moi, lorsque je dessine dans un carnet de croquis, le dessin porte mon imagination telle une sorte de transe. Je voyage dans mon monde invisible ; comme une apprentie de Tarvaa, je vois avec mes yeux intérieurs.
“L’âme malade”
Encre de chine, safran naturel, miroir, perles sur tissu, coton
160 cm 2020
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L’âme malade dessinée avec du safran est la façon la plus sûre de porter bonheur dans l’islam, tel un talisman. L’âme malade représente mon âme malade que je guéris avec du safran des serpents protecteurs et des miroirs, chacun portant leurs propres symboles.
Le safran est sacré car la couleur est proche de l’or. Il représente le soleil. Les reflets de miroir représentent la lumière et protège du mauvais œil.
Les serpents, dans ma culture et dans le monde persan, sont sacrés. “Mar” signifie « serpent » et “Bi-Mar” signifie « maladie ». La racine « Bi », isolée, signifie « sans rien ». En d’autres termes, « sans les serpents, vous tombez malade. » Alors j’ai dessiné la reine des serpents sur mon corps pour me protéger de la maladie.
“Erlik Han et l’espoir”
Crayon, Rotring, encre de Chine, acrylique et feuille d’or sur papier
199,5 X 65 cm 2015

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Dans cette série de dessins, je présente également l’ancien dessin de 2015 et c’est un heu- reux accident de constater qu’il prend une nouvelle signification, l’ours étant la représenta- tion d’Erlik Han en Mongolie. En effet, lorsqu’Erlik Han vient dans le monde visible, il se présente comme un énorme ours noir.
Le vautour sacré représente désormais la cérémonie funéraire céleste. C’est comme si ces dessins m’accompagnaient depuis des années pour se rassembler dans mes nouvelles his- toires, de la même façon que les légendes des 1001 nuits étaient toutes consécutives.
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