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PRISME - visual identity

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visual identity - Paris - 2019​​​​​​​


Avant même d'initier tout geste pictural, Pedro Matos agit comme un collectionneur d'images. Il photographie, vole et reçoit des images de graffitis comme références. L'œuvre sélectionnée génère la matière première, ensuite manipulée sur un logiciel puis projetée sur toile. L'imagerie numérique devient ainsi l'incipit du geste pictural et influence l'expérience de l'œuvre. Lorsque nous sommes partis, affiche des surfaces fondues d'inscriptions graphiques zoomées, presque cryptiques. Les œuvres de Pedro Matos sont le résultat de ses explorations en ligne et hors ligne, où les souvenirs, liquéfiés par la peinture, finissent par osciller entre capturer et désincarner la matérialité. L'image source connaît la propagation et la perte d'informations à chaque étape du processus créatif. Par conséquent, le récit n'est pas tant axé sur la nature des inscriptions, mais plutôt sur leurs asperités et leurs intentions communes de manifester une présence, un moment, un passage. Pourtant, ici, "l'unicité de l'existence"(1) se désintègre, le hic et le nunc(2) sont dilués dans un contexte plus ambigu et contemplatif, délibérément vaporeux. L'œuvre de Pedro Matos est enracinée dans la porosité existante entre l'abstraction et la représentation, l'une toujours à la limite de l'autre, pour investir un sentiment contemplatif. C'est ce matériau de la réalité, sous-estimé et négligé, qui devient une relique de l'ordinaire. Paradoxalement, ce n'est pas après la nature, mais à partir de l'image que le geste pictural dépasse le temps qui coule entre le geste fugace initial et l'image, capturant sa décroissance déjà abstraite. Ce qui pourrait sembler être une hésitation entre le figuratif et son contraire se résout dans une peinture avec un sentiment plus métaphysique.

Si les marques perdent leur historicité et leur contexte, elles sont unifiées par l'image qui révise tout. La composition permet la projection d'une relation de différence, de sorte que ce qui est apparu graphique et subjectif crée cet effet "plat" d'une surface étirée comme un nouveau simulacre. Il pourrait s'agir d'une lecture "postmoderne" possible de la peinture d'aujourd'hui, s'éloignant d'un angle philosophique vers la forme. Où la réalité de l'échantillonnage signifie emprunter et réutiliser les registres supérieur et inférieur sans distinction(3). En choisissant l'ordinaire pour tenter de le transposer dans le domaine esthétique, le contexte relatif aux médias, à l'image et aux interactions qui en découlent suggère la nature du geste pictural. En fin de compte, l'évocation du simulacre implique de passer sur toute la profondeur. Elle tendrait vers un type de superficialité, où ce qui doit être vu et ressenti est formellement retenu dans ce qui apparaît ; pour Pedro Matos, il se trouve au seuil d'une surface hermétique liée à un potentiel sensible. Tout élément, même le plus insignifiant, devient image, arrière-plan, texture, surface et suscite une autre contemplation. Depuis que le monde en tant qu'objet devient de plus en plus semblable à une image, la profondeur a déjà été supplantée par de multiples surfaces(4). L'œuvre de Pedro Matos contourne l'apparence physique de ces incisions et s'approprie l'immatérialité qui réside dans la volonté de rendre nos vies éternelles, afin d'extraire une poétique du quotidien comme esthétique de l'époque.

Texte de Lucie Scandale & Fiona Vilmer pour "When We're Gone" au Pal Project, Paris, octobre 2020.

1. BENJAMIN, Walter. L'œuvre d'art à l'ère de la reproduction mécanique. Penguin UK, 2008.
2. Ibidem.
3. JAMESON, Fredric. Le postmodernisme, ou la logique culturelle du capitalisme tardif. Duke university press, 1991.
4. Ibidem.


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